StratéGJ

Dans ce petit question-réponse, nous reviendrons sur quelques unes des propositions tactiques ou stratégiques qui circulent dans le mouvement des gilets jaunes.

Retirer son argent
des banques?

Ça, on l’entend beaucoup. Cantona en avait parlé il y a quelques années. Nul doute que lui, qui a été très bien payé durant sa carrière, peut en retirer des sous.
Mais ce n’est pas du tout le cas de la plupart des participants de ce mouvement contre la vie chère ! La réalité, c’est que dés le 15 du mois, nous sommes bien nombreux et nombreuses à l’avoir retiré, tout notre argent des banques, et même plus, on creuse le découvert ! C’est d’ailleurs l’une des bases de cette mobilisation !
Il n’y a pas d’intérêt (sans jeu de mot) à se focaliser sur les banques. Elles ne sont qu’un aspect de cette société, qui toute entière est à jeter. Et à se focaliser là dessus, on risque de lâcher sur tout le reste.

Pratiquer le boycott ?

Ici et là, on parle du boycott. Et de nombreuses personnes disent que nous serions plus efficaces en organisant le refus de la consommation, plutôt que par les blocages ou les grèves. Le problème, c’est qu’à la base même du mouvement, il y a un constat : nos dépenses sont contraintes. Cela veut dire qu’une fois enlevées les dépenses obligatoires, sur lesquelles on n’a pas de marges de manœuvres, comme le loyer, l’essence, les factures diverses, il nous reste bien peu. Alors proposer de mieux choisir ce que l’on consomme parait bien illusoire : seuls les riches en ont les moyens, et d’ailleurs eux le font déjà, sans que cela remettent en cause le système ! Croyez-vous vraiment que les riches font leurs courses à Auchan ? Eux achètent des produits bio, du foie gras équitable, des bons produits sans saloperies, sans pesticides, de luxe. Et c’est bien parce que nous n’avons pas la liberté de faire de même que nous sommes en mouvement !

Et le Frexit ? 

Sur le plan d’une stratégie plus générale, un mot d’ordre prend de la vigueur chez les gilets jaunes : puisqu’une grande partie des problèmes, à commencer par la législation, provient de l’Union Européenne, la solution consisterait à quitter l’UE pour appliquer une politique différente. C’est une perspective qui est partagée au-delà du clivage droite-gauche, par des courants qui se disent souverainistes. Il s’agirait de revenir à une situation où ce serait la population du pays à qui reviendrait la souveraineté. Le problème ici, c’est la confusion entre la population et l’Etat. Or, rien n’indique que sortir de l’UE rendrait le pouvoir à la population, à commencer par les exploités ! Pour cela, il est non seulement illusoire, mais dangereux de faire confiance à l’Etat, ou à la démocratie représentative. Bien sur, certains répondront qu’on pourrait tout de même essayer. « On fait le Frexit et on avise. » C’est au mieux naïf, au pire malhonnête. Car s’engager dans une stratégie de ce type n’est pas innocent. C’est aussi s’en remettre aux politiques qui la portent et en suivant la feuille de route qui est la leur.
De plus, en identifiant l’UE comme l’ennemi principal, la stratégie du Frexit cible le mauvais adversaire. Bien sûr, les institutions européennes sont au service des possédants. Pourtant ces mêmes bourgeois peuvent très bien s’en passer, comme on le voit au Royaume Uni, mais aussi dans la plupart des pays du monde, qui ne sont pas dans l’UE. Voici pourquoi nous proposons plutôt une stratégie révolutionnaire qui cible le pouvoir des possédants, et non pas seulement une de ses manifestations.
C’est à nous, à la base, de prendre le pouvoir sur nos vies. C’est ce que nous avons commencé à faire avec les gilets jaunes. Et loin d’être un repli sur la seule France, la meilleure arme pour contester le pouvoir des possédants, c’est bien l’extension du mouvement au-delà des frontières. En somme, ce n’est pas à la France de sortir de l’Europe, mais bien plutôt au mouvement de sortir de la France, pour gagner le monde. Oui, c’est ambitieux. Et oui, ce n’est pas sûr que l’on gagne. Mais nous faisons ce pari. Ne faisons pas celui d’aménager notre défaite.